Qu’est-ce que le carbone bleu ?
Le carbone bleu désigne le dioxyde de carbone (CO₂) présent dans l’atmosphère qui est absorbé par des plantes dans le milieu marin.
Ce concept a été créé en 2009, après avoir découvert que 55 % du carbone capté par la photosynthèse* (appelé « carbone vert ») provenait d’organismes marins. Pour mettre en avant l’importance de ces zones qui stockent le carbone, on les a appelées écosystèmes* de carbone bleu.
Depuis, ce sujet intéresse de plus en plus les scientifiques, avec de nombreuses études publiées. Il est aussi devenu un thème important dans les discussions mondiales sur le climat.
Dans ce cours, nous allons voir pourquoi il est essentiel de préserver ces écosystèmes.
Les trois milieux emblématiques : prés salés, herbiers marins et mangroves
On distingue trois écosystèmes côtiers capables d’absorber de grandes quantités de CO₂ :
Les mangroves
Ce sont des ensembles de végétations que l’on trouve dans l’ensemble de la zone intertropicale. Les mangroves se développent sur la bande littorale. Soumises à l’influence des marées, elles se composent d’arbres et d’arbustes que l’on nomme palétuviers.

Les prés salés
Les prés salés poussent dans la zone côtière qui délimite les marées hautes et basses. Ils se caractérisent par leur végétation dense, composée de plantes résistantes au sel comme la salicorne ou la spartine.

Les herbiers marins
Les herbiers marins, quant à eux, sont des prairies sous-marines formées de plantes à fleurs dotées de racines, contrairement aux algues. Ils poussent à différentes profondeurs, parfois immergés en permanence, parfois exposés à l’air selon les marées.

Captation du carbone par les végétaux
Les plantes jouent un rôle essentiel dans le cycle du carbone.
La captation de carbone est le processus par lequel les plantes, les algues et les océans absorbent le dioxyde de carbone (CO₂) de l’atmosphère. C’est grâce au phénomène de photosynthèse qu’ils absorbent le CO₂ présent dans l’air ou dans l’eau et libèrent de l’oxygène. Le carbone capté est transformé en matière organique utilisée par les plantes pour leur croissance.
Grâce à ce processus, la quantité de CO₂ atmosphérique diminue, ce qui fournit une aide dans la lutte contre les changements climatiques.
Photosynthèse et cycle de vie des végétaux marins
Les plantes des écosystèmes de carbone bleu présentes dans les mangroves, les herbiers et les marais salés captent aussi le CO₂ grâce au même phénomène de photosynthèse. Une partie de ce carbone est stockée dans leurs feuilles, branches et racines.
Lorsque ces végétaux meurent, leurs débris s’accumulent dans des sols souvent pauvres en oxygène, ce qui ralentit leur décomposition par rapport aux végétaux terrestres. C’est ce phénomène qui permet un stockage durable du carbone, appelé carbone bleu.
En chiffres
Bien qu’ils ne représentent que 0,5 % de la superficie des océans, les écosystèmes de carbone bleu stockent environ 50 % du carbone organique piégé dans les sédiments marins.
Les écosystèmes de carbone bleu représentent « seulement » 30 millions d’hectares dans le monde. En superficie, cela correspond à un peu plus de la moitié de la superficie de la France métropolitaine.
Les forêts, de leur côté, représentent 4,06 milliards d’hectares, soit environ un tiers des terres émergées.
Les écosystèmes de carbone bleu sont au moins 5 fois plus efficaces pour séquestrer le carbone que les puits de carbone terrestres par unité de surface*. Malgré cette grande efficacité, on estime qu’ils séquestrent moins d’1 % des gaz à effet de serre émis par les sociétés humaines dans le monde.
Autres services écosystémiques rendus
Ces écosystèmes côtiers ne sont pas uniquement des puits de carbone très efficaces, ils remplissent de nombreuses autres fonctions écologiques. Ils sont essentiels aux sociétés humaines, en particulier pour l’adaptation au changement climatique*.
Filtration de l’eau
Les écosystèmes de carbone bleu aident à améliorer la qualité de l’eau en piégeant les sédiments et en absorbant les nutriments.
Réservoir de biodiversité
Les écosystèmes de carbone bleu sont des habitats ainsi que des sources de nourriture, des zones de reproduction et de refuge pour de nombreuses espèces de poissons, de mammifères marins et d’oiseaux. La subsistance économique et alimentaire des populations humaines locales dépend de la présence de ces espèces marines.
Protection contre les vagues et la submersion marine
Ils jouent également un rôle clé dans la protection des côtes face aux événements climatiques extrêmes. En effet, les écosystèmes de carbone bleu, via leur système racinaire et la structure des plantes qui les composent, aident à réduire l’énergie des vagues. Tels des remparts naturels, en cas d’évènements extrêmes, ils limitent les dégâts matériels et humains. On parle de “zone tampon” entre océan et côte.
Protection contre l’érosion marine
Par ailleurs, les plantes de ces écosystèmes piègent et retiennent les sédiments grâce à leur système racinaire étendu. L’accumulation de sédiments au fil du temps peut permettre à ces habitats de suivre l’élévation du niveau de la mer tout en stockant de grandes quantités de carbone.
Haute valeur patrimoniale
Pour les protéger, on peut inclure les écosystèmes de carbone bleu dans des zones protégées, que ce soit à l’échelle nationale, régionale ou internationale. Par exemple, de nombreux écosystèmes côtiers font partie du patrimoine mondial de l’Unesco. C’est le cas des herbiers de Posidonie autour de l’île d’Ibiza ou de la réserve de Scandola en Corse.

En conclusion, c’est l’ensemble de ces services écosystémiques qui doivent être pris en compte dans les projets visant à protéger et à restaurer les écosystèmes de carbone bleu
Menaces sur le carbone bleu
Ces écosystèmes sont malheureusement fortement menacés par les activités humaines et par les conséquences des changements climatiques :
- depuis le début de l’ère industrielle (1850), 50 % de la superficie totale de ces écosystèmes a été détruite.
- dans le monde, ce sont environ 340 000 à 980 000 hectares qui sont détruits tous les ans.
Principales menaces sur les écosystèmes marins et côtiers
Les principales menaces qui pèsent sur les écosystèmes de carbone bleu sont :
- l’urbanisation et l’artificialisation des sols* et du littoral
- l’exploitation des ressources (la déforestation dans le cas des mangroves)
- la pollution de l’eau
- les phénomènes météorologiques extrêmes (tempêtes, cyclones…)
- les changements liés à l’augmentation des températures et autres impacts du changement climatique.

Effets des changements climatiques
En effet, le changement climatique a des conséquences négatives sur ces écosystèmes. L’élévation du niveau de la mer, l’augmentation de la température de l’eau et l’intensification des phénomènes météorologiques extrêmes sont autant de menaces pour les écosystèmes de carbone bleu.
Leur recul ou leur disparition entraîne d’une part la perte des services qu’ils nous rendent, d’autre part, le relargage du carbone qu’ils stockaient dans l’atmosphère. En effet, lorsque ces écosystèmes sont perturbés par des activités humaines ou naturelles, leur fonctionnement change. Au lieu d’absorber le carbone (comme un puits de carbone), ils peuvent commencer à en libérer, devenant ainsi une source de gaz à effet de serre.
Comment agir à notre échelle ?
La compensation carbone… et ses limites
Les marchés carbone qui visent à compenser les émissions de CO2 d’entreprises par la plantation de végétaux, ne sont pas toujours efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial. Bien au contraire, ils peuvent même avoir des effets délétères. En effet, certaines entreprises se servent de ces actions pour continuer leurs activités sans rien changer.”.
De plus, il ne faut pas surestimer le rôle des écosystèmes de carbone bleu dans l’atténuation du réchauffement climatique. C’est en réduisant à la source nos émissions de gaz à effet de serre que nous pourrons efficacement atténuer les changements climatiques.
Restauration des écosystèmes marins
Des projets de restauration des écosystèmes de carbone bleu sont en cours en France et dans le reste du monde. Les mangroves, en particulier, sont au cœur de nombreux efforts de restauration à l’échelle mondiale.
En France, le Parc naturel marin du bassin d’Arcachon a mené une action de chantier participatif de restauration de la zostère naine (une plante constitutive des herbiers marins).

Il existe également de nombreux projets visant à restaurer la posidonie de Méditerranée, plante marine qui forme de grands herbiers sous-marins.
S’engager pour la préservation des milieux marins
Par ailleurs, s’engager auprès d’une association telle que Surfrider Foundation Europe contribue à préserver le milieu marin. Au travers d’actions de sensibilisation, de dialogue avec les acteurs concernés et d’une meilleure connaissance scientifique, l’ONG s’engage pour la protection et la restauration des écosystèmes de carbone bleu.
Il est également possible de s’engager localement contre la pollution et les projets de construction entraînant l’artificialisation des sols et du littoral.
En conclusion, les services rendus par les écosystèmes de carbone bleu sont extrêmement importants. Ils font partie du vivant et ont, de par leur simple existence, droit à être préservés.
Ces sont des “ puits de carbone ”, qui jouent un rôle dans la régulation du climat. Cependant, s’ils représentent une aide pour s’y adapter, ils ne constituent pas, à eux-seuls, une solution miracle. Seuls des changements sociétaux majeurs permettront de limiter durablement l’impact des changements climatiques.
Lexique
Artificialisation des sols : quand des espaces naturels, agricoles ou forestiers sont transformés pour construire des routes, des bâtiments ou des infrastructures. Cela empêche la terre d’absorber l’eau ou de permettre aux plantes de pousser.
Adaptation au changement climatique : L’adaptation au réchauffement climatique désigne l’ensemble des actions et des stratégies mises en place pour réduire les impacts négatifs des changements climatiques sur les humains, les écosystèmes et les activités économiques.
Ecosystème : Ensemble d’êtres vivants (animaux, plantes, micro-organismes) qui interagissent entre eux et avec leur environnement (eau, sol, air) dans un espace donné.
Puits de carbone : Un puits de carbone est un réservoir naturel (forêt, marais…) ou artificiel (réservoir géologique) qui absorbe et stocke le carbone de l’atmosphère, grâce à des mécanismes physiques et biologiques.
Photosynthèse : La photosynthèse est réalisée par les plantes et correspond au piégeage de l’énergie lumineuse et à son stockage sous la forme de matière organique
Le stock de carbone est la quantité de carbone contenue dans le milieu. Elle correspond à une quantité donnée par unité de surface.
Unité de surface : Une unité de surface est une mesure utilisée pour exprimer l’étendue d’une zone plane.