La pollution chimique, c’est une forme invisible de pollution de l’eau. Elle vient de substances créées par les humains : médicaments, produits ménagers, pesticides, cosmétiques… Ces produits, utilisés à la maison ou dans l’industrie, finissent souvent dans les rivières, puis dans la mer. En Europe, seulement 29 % des eaux de surface, c’est-à-dire les rivières, lacs et eaux de transition et côtières) sont considérées en bon état chimique.

Même des produits interdits depuis longtemps sont encore là, car ils sont très stables et mettent des dizaines d’années à se dégrader.

On ne les voit pas, mais leurs effets sont bien réels : ils abîment les écosystèmes marins, dégradent la qualité de l’eau, et peuvent aussi avoir un impact sur notre santé. 

QU’EST-CE QUE LA POLLUTION CHIMIQUE ?

La pollution chimique dans le milieu aquatique désigne la présence ou l’introduction de substances chimiques nocives dans les eaux douces ou marines (rivières, lacs, nappes phréatiques, mers, océans). Ces substances, souvent d’origine humaine, altèrent la qualité de l’eau, menacent la biodiversité aquatique, et peuvent nuire à la santé humaine.

Ces substances, souvent invisibles, se retrouvent dans les milieux aquatiques par différents chemins : via les eaux usées, le ruissellement ou les rejets directs. Certaines ne sont pas ou peu traitées par les stations d’épuration, s’accumulent et peuvent rester longtemps présentes dans l’environnement. Leurs présences dans les rivières, les sols et l’Océan perturbent gravement la faune et la flore, pouvant aller jusqu’à provoquer des déséquilibres durables dans les écosystèmes.

Les sources de la pollution chimique ?

Mais comment ces produits si nocifs se retrouvent-il dans les milieux aquatiques ? Il existe plusieurs chemins, malheureusement. Les origines de ces pollutions chimiques peuvent ainsi être industrielles, agricoles, domestiques ou hospitalières. Elles sont aggravées par le phénomène de ruissellement des eaux.

Les foyers domestiques (nos maisons)

Sans le savoir, nous polluons l’eau depuis nos maisons : en faisant la lessive, en prenant des médicaments ou en utilisant des produits de nettoyage. Ces substances rejoignent les réseaux d’eaux usées… et finissent dans les rivières, puis dans la mer. Nos gestes quotidiens ont donc un impact direct sur l’Océan.

Pollution de l'eau domestique
Pollution de l’eau d’origine domestique

Polluants principaux :

  • Détergents, lessives, produits d’entretien (agents tensioactifs, phosphates)
  • Médicaments (antibiotiques, antidépresseurs, pilules contraceptives, anti-inflammatoires)
  • Cosmétiques (parfums, filtres UV, microplastiques)
  • Produits de bricolage ou peinture (solvants, métaux)

Pourquoi c’est un problème ?
Les stations d’épuration ne sont pas toujours équipées de système de traitement de ces contaminants. Beaucoup de résidus restent dans l’eau et atteignent les milieux marins.

L’agriculture

L’une des formes de pollution agricole les plus connues est l’usage de produits phytosanitaires. Apparu dans les années 1930 avec l’essor de l’agriculture industrielle, cet usage n’a fait qu’augmenter au fil du temps. Sur les dix dernières années, les données scientifiques révèlent une hausse de 25 % de leur utilisation.

Le terme « produits phytosanitaires » désigne un ensemble de substances utilisées pour protéger les plantes. Cela inclut :

  • Les herbicides, qui luttent contre les herbes indésirables
  • Les insecticides, qui combattent les insectes nuisibles
  • Les fongicides, qui agissent contre les champignons

Ces produits sont largement utilisés pour protéger les cultures, mais aussi dans les jardins particuliers. Parmi les molécules les plus utilisées, on trouve le glyphosate, l’atrazine et le chlordécone.

Pollution agricole : épandage

Polluants principaux :

  • Produits phytosanitaires : herbicides, insecticides, fongicides
  • Engrais chimiques : azote, phosphore, potassium (NPK)

Pourquoi c’est un problème ?
Les engrais favorisent la prolifération d’algues (eutrophisation), ce qui peut créer des zones mortes dans l’Océan. Quant aux pesticides, ils sont toxiques pour de nombreux organismes, même à petites doses.

L’industrie

Les usines utilisent ou produisent de nombreuses substances chimiques. Certaines sont rejetées dans la nature, volontairement ou par accident. Même en petite quantité, ces polluants peuvent rester longtemps dans l’environnement… et finir dans l’Océan.

Pollution de l’eau d’origine industrielle

Polluants principaux :

  • Métaux lourds : plomb, mercure, cadmium, nickel, cuivre, chrome
  • Composés organiques : solvants chlorés, PCB, phtalates, PFAS
  • Retardateurs de flamme

Pourquoi c’est un problème ?
Beaucoup de ces substances sont très stables : elles ne se dégradent pas facilement et peuvent rester dans les océans pendant des décennies. Certaines sont même qualifiées de « polluants éternels ».

Les mines et carrières

L’extraction des ressources du sous-sol libère des substances naturellement toxiques, ou introduit des produits très agressifs pour séparer les métaux.

Polluants principaux :

  • Métaux lourds (mercure, arsenic, plomb)
  • Boues toxiques
  • Produits chimiques de traitement (cyanure, acide sulfurique)

Pourquoi c’est un problème ?
Ces rejets peuvent acidifier les cours d’eau, rendre l’eau impropre à la vie, et contaminer les sols et les sédiments marins durablement

SECTEUR HOSPITALIER, PHARMACEUTIQUE ET VÉTÉRINAIRE

Les hôpitaux, le secteur pharmaceutique (recherche, production et distribution de médicaments) et le secteur vétérinaire (prévention, traitement et vaccination) génèrent une pollution chimique liée à l’utilisation et la consommation de ces substances médicamenteuses.

Après avoir été consommés, les médicaments ne sont pas totalement dégradés. Une partie est rejetée par les urines et les selles sous forme de résidus « actifs ». Ces substances rejoignent les eaux usées (secteur domestique) ou les milieux aquatiques naturels (secteur agricole).

Vétérinaire dans un élevage

Polluants principaux :

  • Résidus de médicaments : anticancéreux, analgésiques, anxiolytiques, antalgiques, traitements hormonaux
  • Substances vétérinaires issues de l’élevage (antibiotiques , traitement vétérinaire, traitements hormonaux).

Pourquoi c’est un problème ?
Les résidus de médicaments dans l’eau peuvent provoquer des déséquilibres hormonaux de la vie aquatique, favoriser l’apparition de bactéries résistantes, impacter la faune aquatique et la flore même à faibles doses, et s’accumuler dans la chaîne alimentaire, menaçant ainsi tout l’écosystème.

Les transports et infrastructures

Le transport et les infrastructures associées (routes, parkings, ports…) génèrent une pollution chimique souvent invisible mais bien réelle. Huiles de moteur, carburants, particules de pneus, peintures routières ou encore produits d’entretien s’accumulent sur les surfaces et sont entraînés par les eaux de pluie jusqu’aux rivières, aux sols… et jusqu’à l’Océan.

Polluants principaux :

  • Huiles de moteur, carburants
  • Particules issues des gaz d’échappement
  • Résidus de pneus (particules de caoutchouc, zinc)
  • Peintures antifouling
  • Déversements accidentels (marées noires)

Pourquoi c’est un problème ?
Ces polluants sont souvent très concentrés localement et peuvent impacter en profondeur les écosystèmes aquatiques.

Tableau récapitulatif – Sources de pollution chimique

Secteur d’activitéPolluants principauxConséquences environnementales
Foyers domestiquesDétergents, médicaments, cosmétiques, solvants, métauxRésidus non filtrés, pollution chronique des milieux aquatiques
AgriculturePesticides, engrais (azote, phosphore, potassium)Eutrophisation, accumulation dans les sols, sédiments et milieux aquatiques
IndustrieMétaux lourds, solvants chlorés, PCB, phtalates, PFAS, cyanure …Polluants persistants, bio-accumulation, effets endocriniens
Médecine et pharmacieMédicaments, déchets hospitaliers, Substances vétérinaires issues de l’élevagePerturbations hormonales, résistances aux antibiotiques
Transports et infrastructuresHuiles, carburants, pneus, peintures antifouling, Particules issues des gaz d’échappement Toxicité, bio-accumulation, effets mutagènes et cancérigènes

Que deviennent ces polluants chimiques dans l’Océan ?

Une fois que les polluants ont quitté leur lieu d’origine (les maisons, les champs, les usines…), ils finissent souvent dans l’Océan. Mais ils ne disparaissent pas pour autant. Au contraire, ils peuvent se transformer, s’accumuler ou circuler dans tout l’écosystème marin.

Pollution chimique

Voici trois grands types de comportement des polluants dans le milieu aquatique :

  • Certains se dissolvent dans l’eau : comme le sucre dans un verre d’eau, certains produits chimiques se mélangent totalement à l’eau de mer. Cela les rend invisibles, mais pas inoffensifs.
  • D’autres se fixent sur les sédiments : les particules plus lourdes vont se coller au sable, à la vase ou aux algues au fond de l’eau. On les retrouve dans les ports, les estuaires ou les fonds côtiers.
  • Enfin, certains s’accumulent dans les organismes vivants : on parle alors de bioaccumulation. Un petit animal absorbe une molécule toxique. Un poisson le mange, puis un plus gros poisson, et ainsi de suite. La pollution remonte toute la chaîne alimentaire, jusqu’aux mammifères marins… et même jusqu’à notre assiette.

Même si l’usage de certaines substances est interdit depuis longtemps, leurs traces sont encore présentes aujourd’hui dans l’environnement marin. Pourquoi ? Parce qu’elles sont très stables : elles ne se dégradent pas facilement, parfois même pendant plusieurs décennies.

Quels sont les effets sur les espèces marines et la santé humaine ?

La pollution chimique a des effets directs sur la santé des animaux marins. Certains sont visibles, d’autres sont plus discrets… mais tout aussi graves.

Quelques exemples d’impacts :

  • Perturbation hormonale
    Certains polluants imitent les hormones naturelles. Cela peut complètement dérégler le fonctionnement du corps des animaux. Par exemple, des poissons mâles peuvent développer des organes féminins.
  • Maladies et cancers
    Une exposition répétée à des substances toxiques peut provoquer des tumeurs, affaiblir le système immunitaire ou entraîner des anomalies génétiques.
  • Comportements anormaux
    Certains poissons exposés à des médicaments (comme des antidépresseurs) deviennent moins vifs, nagent plus lentement, ou ne fuient plus les prédateurs.
  • Baisse de la reproduction
    Certains produits chimiques empêchent les œufs d’éclore ou perturbent le développement des larves. Cela peut entraîner une baisse importante des populations.

Quand une espèce est touchée, ce n’est pas seulement elle qui est en danger. Toute la chaîne alimentaire peut être déséquilibrée. Et avec elle, l’ensemble de l’écosystème marin.

Deux exemples concrets de pollution

Le scandale du chlordécone en Martinique

Pendant plus de 20 ans, un pesticide très toxique appelé chlordécone a été utilisé dans les plantations de bananes en Martinique. Ce produit chimique, interdit ailleurs depuis longtemps, a continué à être utilisé dans les années 70, 80 et jusqu’en 1993.

Pollution martinique

Résultat : les sols, les rivières et la mer ont été durablement contaminés. En 2012, la pêche a dû être interdite sur près d’un tiers des côtes martiniquaises, car certains poissons contenaient encore du chlordécone.

L’État français a reconnu sa responsabilité dans cette pollution. Aujourd’hui, des traces de cette substance sont toujours présentes dans l’environnement… et parfois même dans l’alimentation.

Les marées vertes en Bretagne

En Bretagne, l’agriculture intensive utilise beaucoup d’engrais riches en azote. Ces substances, transportées par les pluies, se déversent dans les rivières puis dans la mer.

Cela provoque un phénomène bien connu : les marées vertes. Ce sont des algues (souvent des algues vertes) qui se développent en excès à cause de cette pollution. Une fois mortes, elles se déposent sur le fond marin. En se décomposant, elles consomment tout l’oxygène disponible, créant des zones mortes où plus rien ne peut vivre.

Ce phénomène s’appelle l’eutrophisation. Il déséquilibre gravement l’écosystème marin et menace la biodiversité locale.