Si l’on parle beaucoup des micro-plastiques, il existe une autre source de pollution plastique préoccupante : celle des biomédias. Utilisées dans de nombreuses stations d’épuration depuis le début des années 2000, ces rondelles de plastique sont retrouvées par milliers sur les plages du monde entier.

Il s’agit ainsi d’une source de pollution pour l’Océan et l’environnement, constituant un danger pour la faune et la flore aquatique.

D’où viennent les biomédias ? En quoi sont-ils un problème pour l’environnement et le vivant ? Quelles sont les solutions pour réduire les incidents qui entraînent leur perte dans l’environnement ? Zoom sur les causes de cette pollution méconnue.

Comprendre l’épuration de l’eau

Toute activité humaine a un impact sur la ressource en eau. Nous la buvons, nous l’utilisons pour nos sanitaires et de nombreuses autres activités domestiques ou professionnelles. L’eau va alors être chargée de matières polluantes (matières fécales, produits chimiques …) mais elle doit être traitée avant d’être renvoyée dans le milieu naturel.

Les municipalités et industries utilisant l’eau doivent alors mettre en place des stations de traitement des eaux usées (station d’épuration) afin de réduire la charge polluante et de pouvoir rejeter des eaux traitées en milieu naturel.

Les stations d’épuration sont contraintes de respecter des règles strictes afin que l’eau rejetée réponde à certains critères :

  • Température,
  • Acidité (qu’on appelle le pH),
  • Quantité de matières en suspension (comme la boue),
  • Niveaux de nitrates et phosphates.
station d'epuration
Station d’épuration

Que sont les biomédias ?

Les biomédias sont de petits cylindres en plastique utilisé dans le traitement des eaux usées. Le problème : ils sont fréquemment retrouvés dans l’environnement. Surfrider Foundation s’est alors penché sur les réseaux d’assainissement dans lesquels ils sont utilisés, afin de mieux comprendre d’où ils viennent et pourquoi ils se retrouvent sur les plages.

Biomédias trouvés sur la plage
Exemple de biomédias collectés sur une plage.

Ces petits disques de 1 à 5 cm d’épaisseur permettent aux micro-organismes de se fixer, de proliférer et de digérer les matières en suspension (la pollution) dans l’eau, améliorant ainsi l’efficacité du traitement.

En plus des stations de traitement des eaux usées municipales, ils sont utilisés par une grande diversité de secteurs industriels : 

  • Pharmaceutique et hospitalier,
  • Extraction et transformation d’hydrocarbures,
  • Pisciculture,
  • Agroalimentaire (laiterie, viticulture, …),
  • Production et transformation de papier,
  • Etablissements de loisirs…

À quoi servent-ils ?

Dans le processus d’épuration de l’eau, on distingue généralement 3 grandes phases :  

  • Les traitement primaires, au cours desquels on filtre les particules solides et les graisses.  
  • Les traitements secondaires qui consistent à mettre des micro-organismes en contact de l’eau usée, ou à faire des traitements physico-chimiques.  C’est à cette étape que sont utilisés les biomédias apportant aux bactéries épuratrices un support de fixation stable sur lesquels se développer et gagner en efficacité.  
  • Les traitements tertiaires permettent d’éliminer Azote (N) et Phosphore (P), et sont souvent utilisés lorsque les rejets se font en zone sensible.  

Des étapes de désinfection (UV, chlore , ozone) peuvent aussi être ajoutées avant rejet dans le milieu naturel. 

Des rejets massifs et durables dans l’environnement

Certaines stations d’épuration connaissent des dysfonctionnements, risquant ainsi de laisser échapper ce plastique dans l’environnement. C’est là que survient la pollution. Depuis la fin des années 2000, des rejets massifs ou diffus de biomédias dans les milieux aquatiques (de plusieurs milliers à plusieurs millions d’unités) ont été observés en Europe.

Mais c’est aussi un phénomène mondial, cette pollution ayant été constatée sur les côtes américaines, brésiliennes ou encore australiennes. 

Echouage massif de biomédias sur les côtes danoises après un accident dans une pisciculture (Ringkøbing-Fjord, Danemark, 2021) 

Les biomédias constituent une source de pollution plastique supplémentaire, avec des conséquences désastreuses sur l’environnement marin. Une source de pollution d’autant plus préoccupante que : 

  • La quantité de biomédias déversée en une seule fois peut être catastrophique. En effet, un bassin d’épuration peut contenir plusieurs centaines de millions de biomédias. Un seul accident peut donc provoquer la fuite de millions de ces pièces en plastique dans les milieux naturels. 
  • La pollution peut se poursuivre pendant des années : dans la plupart des cas, les biomédias qui atteignent le milieu aquatique ne sont pas récupérés par les pollueurs. Des biomédias qui s’étaient échappés d’une station d’épuration au Pays Basque espagnol en 2010 continuent encore aujourd’hui de s’échouer en nombre sur les plages de la façade atlantique.


À quel moment s’échappent-ils ?

Ces supports en plastique se retrouvent dans l’Océan suite à des erreurs humaines, des dysfonctionnements mécaniques ou à des phénomènes climatiques violents engendrant des incidents dans les installations d’épuration.

Par exemple : le débordement des eaux des bassins où ils se trouvent, à la suite à d’inondations. L’absence ou l’insuffisance de maintenance des installations peut aussi favoriser les fuites de biomédias. Des problèmes intervenant lors des phases de stockage ou de transport peuvent aussi causer des pertes. 

Comment se comportent-ils une fois dans l’Océan ?

Echappés des stations d’épuration, les biomédias se diffusent dans l’environnement, depuis les rejets en rivières jusqu’à la mer. Une fois dans l’Océan, les biomédias, composés de matière plastique, flottent et voyagent à la faveur des courants marins. Ils peuvent ainsi être transportés sur de grandes distances. Une partie d’entre eux s’échoueront sur les côtes, parfois à plusieurs milliers de kilomètres de leur lieu d’origine.  

Courant d’Huchet

En quoi sont-ils nocifs ?

La matière plastique est présente dans l’air que nous respirons, l’eau que nous buvons et les poissons que nous mangeons. Tant et si bien que des études scientifiques ont démontré la présence de microplastiques dans notre sang. De nombreuses études sont en cours afin de mieux comprendre les impacts de l’ingestion de plastique sur la santé humaine.  

Le plastique transporte et relargue des éléments chimiques toxiques (produits industriels, détergents, hydrocarbures, pesticides, résidus de médicaments …) pouvant être des perturbateurs endocriniens.

Les biomédias peuvent également servir de support à d’autres substances présentes dans les eaux usées, telles que des bactéries fécales, des virus…

Une fois dans l’environnement, les biomédias peuvent être ingérés par la faune marine, ce qui augmente leur mortalité et dégrade les écosystèmes de façon durable. Ces rondelles ont été notamment retrouvées dans les contenus stomacaux de fulmars ou de tortues, espèces protégées utilisées comme indicateur de la pollution par les déchets dans le cadre de programmes de surveillance. 

Contenu de l’estomac d’un Fulmar crédit © Jan Van Franeker, IMARES

Comment lutter contre cette forme de pollution ?

Depuis 2007, et les premiers signalements de ces cylindres en plastique sur les plages, par des bénévoles de Surfrider Foundation, l’association est devenue une référence sur la problématique des biomédias. Elle a su mobiliser à ses côtés de nombreux acteurs de l’assainissement pour enregistrer leurs témoignages et retours d’expériences. Aujourd’hui plus de 40 cas de pollutions ont été identifiés,  illustrant une grande diversité de problématiques et solutions.  Les informations recueillies ont été rassemblées  à travers divers documents, reportages et articles.

Aujourd’hui, Surfrider Foundation plaide au niveau local, national et européen pour la mise en œuvre d’actions concrètes pour réduire le risque de pollution par les biomédias.

Cela passe par :

  • La rédaction de rapports complets  afin de présenter de manière objective l’étendue des connaissances sur ce type de pollution.
  • La sensibilisation des acteurs de l’assainissement et décideurs publics,
  • La demande d’une réglementation spécifique visant la prévention des fuites de biomédias dans l’environnement.
  • L’application du principe pollueur-payeur en cas d’accident.

Pour accompagner ces démarches deux documents clés sont disponibles :

  • Un état des lieux de la pollution en Europe
  • Un guide de bonnes pratiques à destination des professionnels.
Biomédias sur la plage avec des bénévoles de Surfrider

Le savais-tu ?

Depuis 15 ans, Surfrider enregistre les échouages de biomédias signalés par les citoyens. Ces témoignages sont essentiels. C’est grâce à ces contributions que  40 cas de pollution ont été identifiés à travers l’Europe. 

Tu peux toi aussi signaler une pollution aux biomédias par le biais de ce formulaire de signalement ou lors d’une collecte de déchet des Initiatives Océanes